L’éducation selon Saint Jean Bosco #1
Le système préventif en éducation
Je vous propose d’entamer une mini-série d’articles consacrée aux méthodes d’éducation telles qu’elles ont été pratiquées et formalisées par Saint Jean Bosco. Je m’appuie pour cela sur l’ouvrage du père A. Auffray, Une méthode d’éducation, publié en 1924. Il est disponible en PDF si jamais vous voulez y jeter un coup d’œil — ce que je vous recommande très vivement car il est passionnant.
Mais je sais, chères mamans, que votre temps est compté, alors je vais en écrire une synthèse commentée pour vous donner envie (plus tard !) de le lire. J’espère que tout cela va vous intéresser !
Notes sur le chapitre 1 : le système préventif en éducation
Le système “préventif” s’oppose, avant tout, au système répressif très répandu à l’époque de Saint Jean Bosco notamment dans les instituts religieux. Il l’est sans doute moins aujourd’hui, à l’heure de '“l’enfant roi”, mais il me semble tout de même utile d’avoir cette opposition à l’esprit car elle permet de réfléchir en particulier au statut de la punition.
Dans le système répressif, tout délit à peine commis est châtié par une sanction. L’éducateur a une fonction de censeur autoritaire et distant ; pas de place pour les sentiments. Dans le système préventif, au contraire, “tout l'art, tout le souci de l'éducateur doivent tendre à empêcher l'enfant de faire le mal par une surveillance de toutes les minutes. Il doit le mettre dans l'impossibilité matérielle de pécher en l'enveloppant toujours de son regard et de sa sollicitude attentive. Il doit sans cesse se trouver au milieu de ses petits. À quel titre ? De supérieur ? De pion ? Non, mais de père qui ne laisse jamais ses enfants seuls tant que leur liberté n'est pas suffisamment éduquée.” La mauvaise action est d’emblée envisagée comme un péché : en réalité, l’éducateur surveille l’enfant sous le regard de Dieu. Le père terrestre fait tout son possible pour que l’enfant, dont il a la responsabilité, respecte le Père céleste.
L’idée n’est donc pas, comme chez Rousseau ou Montessori, de laisser l’enfant libre de faire ce qu’il veut, c’est-à-dire souvent n’importe quoi. Il s’agit plutôt de le guider et de l’aimer pour que toutes ses pensées et ses actions s’accordent avec la volonté de Dieu, omniprésent et omnipotent.
C’est bien la transcendance divine qui donne à ce système toute sa cohérence et son efficacité.
“La première [méthode] tient le supérieur à distance de l'élève, dans un isolement splendide, d'où il ne sort que pour sévir; elle lui compose un visage glacial, des yeux soupçonneux, une attitude distante et réservée susceptible d'inspirer la terreur ; elle crée ces fameuses lignes parallèles où maîtres et élèves cheminent sans risque de jamais se rencontrer. (…) Tandis qu'au contraire l'autre méthode ne pense, ne rêve qu'à cela : établir entre l'éducateur et l'élève un contact étroit, familier, intime, d'où jailliront une cordialité de bon aloi et une confiance abandonnée. Dans ce dessein elle mêle partout enfants et supérieurs, en récréation, à la promenade, dans la salle d'études, à la chapelle ; elle descend l'autorité de son trépied et l'abaisse joliment, sans la compromettre, au niveau de l'enfant ; elle enveloppe l'élève d'une surveillance assidue, mais affectueuse, nullement tatillonne, une surveillance qui ouvre les yeux, mais sait aussi les fermer ; elle ne proscrit ni le geste affectueux, ni la parole cordiale, ni le ton de la vraie paternité ; elle brise impitoyablement toutes les barrières qu'un respect mal entendu, ou des traditions jansénistes voudraient dresser entre maîtres et élèves ; en un mot elle se fait toute à tous pour gagner au Christ la jeunesse.”
Pour effectuer cette tâche, l’éducateur ne doit pas seulement appliquer des règles simples — la hiérarchie des sanctions, mais s’investir tout entier, avec tout son cœur. Le jeu en vaut la chandelle, car au bout du compte, les enfants éprouvent un amour profond qui dure toute leur vie. Et c’est ainsi que l’attachement au Christ et la foi véritable se développent dans l’âme des petits.
Aujourd’hui, les parents et les enfants sont généralement plus proches qu’avant, mais cette notion d’autorité liée à la “vraie paternité” a du plomb dans l’aile. Le père de famille a perdu cette fonction, pourtant essentielle, du chef de famille qui œuvre pour le Bien sous le regard de Dieu. L’enjeu est moins terrestre que spirituel : l’obéissance de l’enfant facilite la vie au quotidien, mais surtout, lui prépare une place au ciel. Mais ça, la société moderne — qui se plaint pourtant des enfants ingérables et invente tout un tas de pathologies pour se dédouaner — ne veut pas en entendre parler.
C’est bien joli, mais les enfants ne sont pas des chérubins ! Que faire si jamais il faut tout de même sanctionner ? “Avant d'infliger la moindre punition, supputez le degré de culpabilité de l'enfant ; et si l'avertissement suffit, n'employez point le reproche ; et si le reproche suffit, n'employez point le châtiment.” Il ne s’agit pas ici de laxisme. Mais plutôt d’une attitude qui cherche avant tout à comprendre d’où vient la faute de l’enfant, afin de mieux l’en écarter la prochaine fois. Ainsi, la punition se proportionne plutôt au degré de culpabilité qu’au délit lui-même.
Et elle doit rester la plus légère possible. Les mamans le savent bien : “Un visage consterné, une parole froide ou indifférente, des yeux qui se détournent, une main qui se retire : quatre fois sur cinq cela suffit pour châtier des cœurs d'enfants, à condition toutefois qu'on ait réussi, par son dévouement, à s'en faire aimer.”
Saint Jean Bosco s’est beaucoup occupé des orphelins : son but était, avant tout, de reconstituer une famille pour que ces jeunes hommes puissent se construire de façon équilibrée, dans une atmosphère aimante. À nous, aujourd’hui, de faire le mouvement inverse. Nous pouvons nous inspirer de sa façon de faire pour animer nos familles de ces principes catholiques qui permettent aux enfants d’accumuler les mérites et les grâces afin d’affronter le monde d’aujourd’hui. La proximité, l’amour et les jeux, associés à une autorité juste qui vient de Dieu, sont sans doute les meilleurs ingrédients de cette méthode “préventive” d’éducation.